Témoignage

A 8 ans, Victoria porte bien son nom. Avec un grand sourire et une résilience impressionnante, elle témoigne d’un parcours bien différent des autres filles de son âge.

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Née dans l’urgence, avec un souci vital, elle a passé 6 mois à l’hôpital et a attendu presque 4 ans son diagnostic : une maladie rare « le Syndrome Kabuki » (50 cas reconnus en France) liée à des symptômes atypiques telle une déficience motrice. Elle n’a toujours pas la parole. Le gavage terminé depuis l’âge de 5 ans, Victoria a depuis une qualité de vie améliorée mais le choix d’une prise en charge par un établissement spécialisé s’est toujours imposé. Ici, la maman de Victoria raconte les difficultés qu’elle a rencontrées dans la recherche d’une structure de proximité en région parisienne.

Très tôt, la question « arrache maman » se pose : comment garder ou faire garder son enfant si désiré mais fragile ? A l’hôpital, ils me déconseillent de garder mon bébé à domicile à temps plein (gestion d’une pompe à gavage, soins de gastrotomie, injections d’hormones, médicaments… ). Par ailleurs, j’avais un réel besoin et désir de continuer à gagner ma vie. Comment concilier ce « droit », en tant que femme, sans trahir Victoria et ses multiples besoins, en tant que mère ? Je négocie alors un temps partiel qui fait que mon travail n’évolue plus. Et Victoria reste dans un établissement à temps partiel avec toutes ses séances spécialisées sur place, jusqu’à l’âge de 7 ans. Cela permet à mes enfants de trouver une sorte d’équilibre. Cette sensation de culpabilité intense que ressentent les mamans dans ma situation, j’arrive à en parler seulement maintenant. J’ai du mal à accepter complètement la situation de Victoria car, pour moi, il s’agit d’une double culpabilité : d’abord parce que je suis la porteuse originelle de la maladie de ma fille mais aussi parce que je ne suis pas suffisamment à la hauteur pour m’occuper d’elle en permanence, malgré tout l’amour que je lui porte. J’ai du mal à vivre avec ce sentiment, même si je reste persuadée que c’est la seule décision que je pouvais prendre dans ces circonstances. En cherchant cet établissement « fantôme », il y a des déceptions, parfois poignantes. Après chaque visite non concluante, je me demande si je n’ai pas suffisamment bien présenté ma fille à l’équipe et au directeur concerné. Pourquoi Victoria ne « mérite »-t-elle pas une place ? En tant que mère à la recherche d’une solution, suis-je assez à la hauteur pour ma fille ? Les premières années de la vie de Victoria m’apprennent la colère et la révolte contre l’injustice de sa situation et donc de facto, la mienne. Je deviens une maman « militante » lorsque, à l’âge de 5 ans, le problème de l’orientation de Victoria se pose à nouveau.

Rien ne m’avait préparé pour la rude leçon de vie que les deux années suivantes allaient m’apprendre. Comme beaucoup de familles, nous sommes à la recherche d’un établissement proposant un internat pour répondre aux besoins complexes de Victoria à proximité de la maison. Le « statut » de ma fille s’avère être inclassable, car ses besoins spécifiques ne rentrent dans aucunes des « annexes » 24, 24 bis et 24 ter. Nos recherches s’éloignent progressivement de plus en plus de la périphérie de Paris. En 2 ans, plus d’une quinzaine d’établissements ; plus d’une centaine de coups de téléphone, de multiples recherches Internet… et pendant ce temps, la peur constante de perdre mon emploi à cause des visites et coups de téléphone que je suis obligée de passer sur mon temps de travail.

C’est alors que l’établissement qui accueillait Victoria, nous pose un ultimatum. Si nous, les parents, ne trouvons pas de solution immédiate, ils menacent soit d’envoyer Victoria à la maison sans aucune aide, alors que je travaille, soit l’envoyer dans un centre de rééducation dans
le sud de la France, à plus de 500 km de Paris. Désespérée, je me mobilise en écrivant mails et courriers au maire de ma commune, au conseil général, aux ministres concernés et finalement, au président Jacques Chirac dont même la très digne « Loi Handicap » du 11 février 2005 n’avait pu nous aider à trouver une solution. Forts des réponses de tous ces hommes politiques, et appuyés par les efforts d’un chef de cabinet du maire volontaire, nous appelons au secours la CDES, devenue depuis la MDPH. Cette nouvelle administration est à cette époque toujours la source d’une grande frustration et de désespoir, car souvent ses recommandations d’orientation s’avèrent inappropriées face à la pénurie de propositions réelles et réalistes. De plus, le personnel nous informe de façon peu rassurante, qu’il lui reste plus de 2 000 dossiers à traiter et que le nôtre est donc loin d’être prioritaire. Les employés eux-mêmes ne savaient pas à quel organisme il fallait s’adresser (CDES ou MDPH ?). La confusion règne. C’était comme s’ils baissaient collectivement les bras. Je finis par menacer de ne plus bouger de leurs bureaux et de mobiliser les associations concernées de ma région. Aujourd’hui, Victoria vit pendant la semaine dans un établissement pour enfant polyhandicapé, à 70 km de Paris. Elle revient tous les week-end et les vacances à la maison, mais cette situation est inacceptable, même si Victoria paraît heureuse dans sa nouvelle structure à la campagne. De nombreuses insatisfactions et questions demeurent. Estce trop d’espérer que Victoria puisse vivre plus près de moi et qu’un accompagnement soit proposé à la maison pour que nous puissions prolonger et partager tous ensemble les moments de joie ?

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