Domicile et handicap : quel choix ?

Un homme est fait de choix et de circonstances. Personne n'a de pouvoir sur les circonstances, mais chacun en a sur ses choix.

(Eric-Emmanuel Schmitt)


Ci dessous, un dossier complet et illustré de témoignages sur le choix du domicile lorsqu'on est en situation de handicap ("Lire la suite")

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A l'heure actuelle de nombreux jeunes en situation de handicap se trouvent devant un choix réduit au moment de décider de leur mode de vie d'adulte. Les solutions en matière de logement se résument, la plupart du temps à un mode de vie collectif, une vie autonome à domicile ou encore chez leurs parents. De fait, peu d'alternatives sont possibles que ce soit par manque de possibilités, par méconnaissance de l'existant ou encore par non préparation (cette non préparation étant elle-même en grande partie due aux deux points précédents). Ainsi, Les jeunes n'ont que peu ou pas de préparation à l'autonomie et les parents sont mal préparés sur les capacités de leur enfant à occuper des logements qui pourraient se substituer au tout collectif ou tout individuel (appartement regroupés, éclatés, intégrés, foyer-logements, etc..) et les professionnels sont encore aux prises avec la notion de risques qui entrave leur raisonnement et limite leurs propositions. Cependant, un mouvement vers une désinstitutionalisation se dessine avec une tendance aux petites structures, et le développement des aides humaines et des services à domicile.  Quelques initiatives voient le jour ; elles peuvent être à l'origine de parents, de personnes en situation de handicap ou encore de professionnels. Les financements sont variés, les formules multiples : appartements regroupés, éclatés, satellite, colocation... Les logements peuvent être rattachés à un foyer ou être inclus dans un HLM avec des services d'aides à domicile.

De fait, les solutions peuvent être aussi diverses que peuvent l'être les projets d'une personne. Ainsi, il s'agit avant tout de bien considérer les souhaits d'une personne, d'étudier les ressources locales en termes d'aide et de possibilités afin de s'en servir ou de mettre en place de nouveaux projets en trouvant les interlocuteurs idoines. De telles initiatives peuvent ne pas être simples à réaliser et prendre beaucoup de temps évidemment ! Néanmoins, un nouveau paysage se dessine et qui permettra à nos enfants d'avoir de nouvelles options pour leur vie d'adulte. Un partenariat étroit avec des professionnels est alors requis, une bonne volonté ne suffit pas. De nombreux partenaires doivent intervenir, depuis le choix du lieu, les financements, l'adaptation des logements, les aides techniques et humaines et l'assurance de liens sociaux avec l'environnement.

Il n'en reste pas moins qu'il faut également avoir l'assurance que les jeunes adultes vivant à domicile ne souffriront pas de solitude et auront des activités en dehors des interventions d'aides humaines. Dans l'absolu, quels que soient les degrés de dépendance et d'autonomie, le choix d'une vie à domicile est possible à la condition expresse d'un accompagnement adapté aux besoins de chaque personne, en apportant une réponse individualisée assortie d'une souplesse, le tout permettant de tenir compte de l'évolution des projets de la personne.

Il ne s'agit pas de faire « disparaître » l'institution -elle peut être un choix- mais de lui demander de repenser son accompagnement, d'évoluer vers de nouvelles pratiques, de « sortir de ses murs », d'accompagner et de respecter les projets de vie des personnes handicapées et de leur famille.

 

Un exemple : APPARTEMENTS ADAPTES POUR PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP MOTEUR « LE MESNIL LEXOVIEN » en Normandie, à Lisieux, dans le département du Calvados.

Dix nouveaux appartements adaptés et domotisés viennent d'être livrés à Lisieux. Ils sont situés au sein d'un ensemble immobilier ordinaire de 25 logements en ville. Les personnes en situation de handicap moteur bénéficient ainsi d'un cadre de vie leur offrant une véritable liberté dans le respect de leur individualité. Chaque occupant est locataire auprès du bailleur social, propriétaire des lieux et dispose d'un logement de type F2, d'environ 55m². Les loyers à caractère social donnent droit à l'A.P.L. Les adaptations techniques et l'aménagement de l'espace des appartements prennent en compte les contraintes spécifiques du fauteuil roulant. La personne peut accéder aux équipements lui permettant de vivre et de se déplacer de façon autonome et sans aide.

Ce projet permet :

- une alternative à la vie en foyer ou au domicile des parents

- de respecter le choix de vie des personnes

- de répondre à leur désir d'indépendance

- d'apporter des conditions de vie confortables, agréables et sécurisantes

- de tenir compte des contraintes matérielles

- de maintenir des liens familiaux et relationnels de proximité

- de sensibiliser les citoyens à la cohabitation avec des personnes en situation de handicap en leur permettant une meilleure insertion dans la société

- de créer des emplois sur Lisieux

- de réduire le coût pour la collectivité

Un Service Mutualisé d'Aide à Domicile

Pour tous les actes non programmables, un Service Mutualisé d'Aide à Domicile (SMAD), est mis en place. Il est centralisé dans un studio situé dans l'immeuble. Ce service d'aide médico-psychologique et d'auxiliaire de vie assure une présence 24 heures sur 24, tous les jours de l'année. Il intervient, à la demande, sur la base de la mutualisation de trois heures de surveillance, qui sont déduites du total des heures accordées par la MDPH au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH). Un système d'appel interne reliant chaque locataire au studio des aides permet à l'auxiliaire de vie d'intervenir sur simple demande. La permanence de nuit permet également une aide au coucher au-delà des heures d'aide humaine de jour. De la sorte, les locataires sont libres d'organiser leur journée et de mener une vie sociale.

Un équipement domotique

Indispensable à l'autonomie des personnes à mobilité réduite, l'équipement domotique permet de vivre plus simplement son handicap, tout en assurant la protection des personnes et du matériel. La centralisation des fonctions sur une télécommande adaptée unique, appelée téléthèse, donne accès, à l'aide d'un écran tactile, au téléphone et à internet, et commande la lumière, les volets roulants, le chauffage, ainsi que l'ouverture des portes d'accès à l'immeuble et à l'appartement...

Les actes essentiels de la vie quotidienne

Au quotidien, pour les actes essentiels (lever, toilette, habillage, préparation et prise des repas, tenue de l'environnement...) chaque locataire est libre de faire appel à une tierce personne ou au service prestataire de son choix, selon les modalités qui lui conviennent (prestataire, mandataire, gré à gré). La personne détermine selon son propre rythme de vie les horaires dont elle a besoin. Contrairement à un foyer, chacun organise ses journées en fonction de ses activités personnelles.

 

Témoignage du parent initiateur des appartements adaptés Le Mesnil Lexovien

Notre fils Emmanuel était encore jeune lorsque le médecin qui le suivait à Garches nous posait la question « du vécu, après nous de notre enfant ». C'est ainsi qu'en grandissant Emmanuel, qui n'a pas la parole, nous a fait comprendre qu'il souhaitait  vivre chez lui comme ses grands frères...

Après diverses recherches, et devant l'absence de choix de ce mode de vie, nous avons imaginé, en famille, créer  des appartements indépendants à sécurité partagée. Ce médecin nous a orientés vers une réalisation existante à Paris, au GIHP, qui nous a conseillés et accompagnés en vue de pouvoir réaliser ce projet.

C'est ainsi qu'il y a 6 ans nous avons reçu un accueil  favorable de l'adjoint délégué au logement de notre lieu de résidence, à Lisieux. Il a lui-même fait les démarches pour trouver un bailleur social qui soit partant. En effet, notre choix était que ces logements soient accessibles financièrement aux revenus des personnes handicapées n'ayant que l'AAH pour vivre... Nous avons d'ailleurs été accompagnés par les services de la mairie de Lisieux dans nos diverses démarches pour la réalisation de ces appartements, avec la mise en place de la domotisation entre autres.

Nous devions obtenir des devis afin de demander des subventions pour financer les suppléments occasionnés pour l'accessibilité des personnes à mobilité réduite et, petite association, nous étions difficilement crédibles...  C'est au cours de ces démarches de recherche de subvention que nous avons rencontré la Mutualité Française du Calvados. Intéressée par cette réalisation, elle nous a proposé un partenariat afin de terminer la création de ce lieu de vie pour des personnes en fauteuil et gérer la mise en place du Service Mutualisé d'Aide à Domicile (SMAD). Cela assurait une pérennité à ce projet, et donc une crédibilité auprès du bailleur social. Ensemble, après avoir enfin obtenu les devis, nous avons pu concrétiser les demandes de subvention auprès de la « Fondation Caisse d'Epargne, de la Fondation de France, subventions que nous avons obtenues.

Depuis le 1ier Avril 2009, les premiers occupants ont emménagé dans leurs appartements. La gestion SMAD est assurée par la Mutualité Française du Calvados et une association d'aide à Domicile de Lisieux assure la présence des auxiliaires de vie 24h sur 24.

Il reste encore quelques places disponibles réservées à des personnes ayant leur lieu de résidence administrative dans le Calvados, ceci afin de préserver les liens de proximité.

Premières impressions, un mois après...

Emmanuel était impatient d'emménager chez lui, car vu le temps mis pour la réalisation, et le temps que sa Maman y consacrait, il lui est arrivé de douter de la faisabilité.

Mais il a été le premier locataire, avec un autre jeune qui a suivi de près le projet. Ils ont peu de moyens d'expression, mais il faut voir leur sourire  qui en dit plus que de grands discours.

Emmanuel est déjà resté seul à la maison plusieurs semaines, avec un service d'auxiliaires de vie qui intervenait et assurait un contact téléphonique. Aussi, il n'a pas eu de mal à s'adapter et était même content de nous voir partir quelques jours. Nous avons dû être trop présents à son goût pour l'emménagement... Il  exprime ses choix et nous rappelle régulièrement qu'il est chez lui ... Il est content de revenir à la maison comme ses frères.

Il est fier de vivre comme tout le monde...

 

Un autre témoignage :

Des projets qui évoluent

Il était une fois, il y a vingt ans, un jeune adulte, traumatisé crânien, plurihandicapé, qui vivait au foyer familial...

Pour différentes raisons, les parents décident de déménager à une vingtaine de Km, trouvent une nouvelle demeure, l'aménagent pour eux ET pour leur enfant en situation de handicap. L'enfant participe à ces aménagements, exprime ses désirs pour SA salle d'eau, SA chambre, SES toilettes.... A quelques semaines de l'installation de la famille dans ce nouveau domicile, ô surprise, il nous annonce « je n'ai pas l'intention de venir vivre avec vous ; je veux rester dans ma maison, c'est mon quartier je le connais ».

Patatras, les parents n'avaient-ils rien compris, ou le désir de l'enfant avait-il évolué au cours des deux années d'aménagement du nouveau domicile ?

Comment répondre, avec quels moyens humains, matériels, financiers, organisationnels ?

Finalement après réflexions, interrogations, les parents décident d'accéder à ce désir d'indépendance (et non pas d'autonomie) en mettant en œuvre toutes les ressources nécessaires, avec cependant un compromis répondant au désir des parents : il viendra passer le weekend  end  au domicile des parents.

Quinze ans plus tard, ce compromis est passé d'un séjour limité du samedi soir au lundi matin, puis de temps en temps, puis quand l'enfant ou les parents en éprouvent le désir.

Petit à petit, le jeune adulte handicapé, vieillissant, prend conscience de difficultés matérielles pour son évolution dans cette maison pas ou peu adaptée ni adaptable dans des conditions raisonnables (coût, structure). Dans le même temps, il fait alors part à ses parents du souhait d'une maison adaptée, à condition qu'elle soit à proximité immédiate de son domicile (« je ne veux pas quitter mon environnement »). Après analyse des ressources, des implications d'un tel projet pour l'enfant (il a 40 ans) en particulier psychologiques dues à son non désir de modifier son environnement, ce projet est adopté par la famille. L'aspect ressources matérielles est traité en tenant compte des aides possibles, un suivi psychologique est mis en place pour limiter les troubles. Ce projet est en cours d'exécution.

Sans aucun doute  les  ressources de la personne en situation de handicap  généralement très limitées ne permettent que rarement d'accéder à de tels désirs.

Ceci peut ressembler à un conte de fées lorsque cela se réalise, malheureusement c'est bien plus souvent une galère et  des frustrations pour l'enfant (quel que soit son âge)  et les parents.


 

 

 

 

Commentaires

  • Merci pour votre article très instructif.
    Bonne continuation

  • Bonjour,
    Qui est le bailleur social gestionnaire de ces logements, SVP?
    Merci !

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